HIBRYDATION ou la Valse des Gênes

Par Muriel Luquet mailto:michel.luquet@wanadoo.fr

Pour vous terrariophiles appréciant les événements singuliers et hors du commun, voici le sujet dynamite. Il occasionne l’explosion de débats passionnés, alimente une opposition farouche entre adversaires et partisans tout en déversant un véritable torrent d’encre, L’hybridation.

Le mot est lâché. Surveillez votre tension et maîtrisez si vous le pouvez votre taux d’adrénaline.

L’expérimentation en matière d’hybridation entraîne instantanément une véritable problématique. Il est juste de reconnaître que cet acte soulève un réel questionnement relatif à notre éthique, notre déontologie, nos valeurs morales et religieuses. Il est aussi évident que toute manipulation irréfléchie et désordonnée conduirait sans nul doute à certaines dérives en dérangeant l’ordre savamment établi par la nature. En conséquence au risque d’en décevoir plus d’un, ne comptez pas obtenir de recette ou de mode d’emploi en lisant cet article.

Vécu comme une véritable aventure, celle-ci relève de ma propre curiosité et responsabilité.

Plusieurs raisons ont motivé cette démarche :

La première a été de valoriser des critères esthétiques, en l’occurrence associer l’élégante morphologie des Elaphes guttatas avec les saisissants motifs et couleurs des Lampropeltis.

La seconde a été d’étudier la transmission des caractères aménalystiques et albinos entre des individus d’espèces différentes.

La troisième raison, et non pas la moindre a résidé dans l’espoir de vérifier la fécondité par une expérimentation pragmatique.

La plus connu des couleuvres si apprécié par les amateurs, l’Elaphe guttata n’a pas été choisi au hasard. Sa facilité d’élevage en a fait un sujet d’expérience idéal.

Les croisements effectués ont étés les suivants :

Pour cette rencontre d’exception nos vedettes Guttatas et Lampropeltis ont étés présentés et réunis à la mode Jurassic Park !

Cet événement fort artificiel, il est vrai, a installé un presque cruel suspens Hitchckockien ! Les questions étaient les suivantes.

Allais-je obtenir des œufs ?

Seraient-ils fécondés ?

Seraient-ils viables ?

La première question eut sa réponse rapidement. Elle fut positive. L’attente des secondes a correspondu à la période d’incubation c’est à dire deux mois plus tard. Enfin des serpenteaux baptisés "cyberserpents" ont eu le bon goût de craquer leur coquille avant que ce ne soit moi qui craque !

Les nouveau-nés sont nés viable et parfaitement constitués, en présentant comme prévu et espéré l’apparence morphologique des Guttatas ainsi que les rayures ou anneaux colorés, spécifique aux Lampropeltis. La première étape s’était par conséquent avérée concluante.

Contrairement à la création peu ordinaire de ces jeunes originaux leur parcours de développement est devenu par la suite tout à fait classique.

Deux années de patience plus tard, lorsque ces artificiels rejetons ont sexuellement été matures et après avoir respecté une période d’hibernation à 15 degrés pendant trois mois, ils se sont accouplés le plus naturellement du monde. Mais attention leur milieu social si l’on peut s’exprimer ainsi, a été respecté ! Chaque variété avec chaque variété.

Et là, de nouveau, le suspens s’est installé, mais, ouf , il a vite été récompensé par plusieurs pontes. Les œufs ont immédiatement suivit le chemin traditionnel de l’incubateur. Une nouvelle fois deux mois d’attente fébrile ont été nécessaire avant que des bébés colubridés ne pointent le bout de leur nez .

Ces bouts étaient rigoureusement identiques aux parents comme le corps et les couleurs. En plus, à ce stade certains individus ont présenté leur particularité d’albinos et amélanystique. La seconde étape se révélait également probante.

En finalité, mes résultats ont été à la hauteur de mes espoirs. Cette création d’hybrides s’est réalisé avec succès et a mis en évidence leur propre capacité à manifester et à transmettre des gènes à caractères héréditaires. A la différence de certaines espèces animales ces inédits spécimens ont également fait la preuve d’une réelle fécondité.

 

Mais pourquoi créer des hybrides et déranger de ce fait l’ordre établi depuis des millions d’années ?

Les terrrariophiles comme les éleveurs de chiens ou de puces savantes, néophytes ou vieux routards ont une aspiration commune, celle de reproduire leurs bêbêtes chéries. C’est ce qui justifie à leurs yeux la régularité des soins et le temps donné sans compter.

La nature réussit régulièrement cet exploit avec brio et pour nous il s’agit d’étudier et d’analyser pour comprendre et re-produire ce qu’elle nous enseigne. Par le jeu du désir, nous sommes toujours poussés à mieux connaître notre environnement et les interrogations inhérentes qui s’y rattachent. Cet essentiel besoin de savoir s’associe inévitablement à un autre besoin, celui de repousser les limites imposées par notre condition d’être humain. Aussi, une seule mais indispensable question se pose.

N’est-ce pas l’essence même de l’homme et la garantie de son avenir de voir toujours plus haut, plus loin, plus vite pour sans cesse assurer, prouver son existence en répondant à cette pulsion de vie ?

Dans notre histoire des exemples d’homme désirant ardemment faire progresser le savoir s’étendent à l’infini.

Pourrions--nous aujourd’hui survoler les océans et les continents si quelques fous volants n’avaient pas mis tant d’acharnement à réaliser le rêve d’Icare ? Pourrions nous savoir que la terre tourne autour du soleil sans la sagacité et la ténacité de Galilée.

Pourrions nous parler médecine si un précurseur comme Ambroise Paré n’avait pas disséqué des corps sans vie au risque de perdre la sienne en défiant les autorités religieuses et politiques de l’époque. Loin de moi l’idée de me comparer à ces illustres personnages.

Toutefois, symboliquement par mes charmants et modestes cyberserpents je tiens fermement à défendre la curiosité créatrice et le plaisir extrême de découvrir. Bien sûr à chaque nouvelle découverte, à chaque avance du progrès s’associent les inévitables détracteurs mais pèsent-ils bien lourds dans la balance de la curiosité existentielle ?

 

Oserons nous leur prêter des sentiments de jalousie visant à dénigrer ou à détruire la réalisation du voisin ?

 

Oserons nous leur dire que l’insupportable pour eux n’est pas l’idée d’immoralité de ce qui a été crée mais plutôt à mon sens ce qu’ils n’ont pas osé faire ?

 

Loin de moi l’idée de me faire des ennemis. C’est justement avec une conscience aiguë du respect de la vie que ce désir de découvrir ne peut se dissocier d’une acceptation totale des limites à ne pas dépasser dans le seul but de ne pas nous mettre en danger. A présent une seule fierté et une seule attente. Ces hybrides sont français et prouvent que nous terrariophiles du terroir pouvons être aussi créatifs et performants que nos homologues Outre-Atlantique. Le label Made in USA n’est pas une garantie d’exclusivité. "Basta" pour l’image français très bon suiveurs mais pas leaders.

 

 

 

D’avance merci à messieurs les scientifiques pour reconnaître le travail des gens de terrain et merci de mettre votre connaissance et votre expérience pour étayer ce qui a été réalisé.

 

 

 

 

 

Avec l'aimable autorisation de Michel Luquet et www.reptimania.com